Surcharge lysosomale

  • Sous l'égide de
    Avec le soutien institutionnel de

    Maladie de Gaucher

    Posté le 07/10/2015 Par Le Dr Nadia Belmatoug

    LE CAS

    Un patient âgé de 36 ans, caucasien, consulte aux urgences pour une douleur d’apparition brutale, intense, permanente, à type de coup de poignard évoluant depuis 3 heures.
    La douleur siège à la fesse gauche, irradie dans l’aine et la face antérieure de la cuisse.
    Le patient n’a pas de fièvre, pas de lombalgie, pas d’altération de l’état général.
    L’examen clinique est difficile en raison de l’intensité des douleurs.
    Les rotations de l’articulation de hanche sont cependant normales.
    L’examen somatique aux urgences est décrit comme normal.
    Les résultats des examens biologiques réalisés aux urgences montre :
    • hémoglobine : 12,5 g/dl, leucocytes : 8 500/mm3
    • plaquettes : 116 000/mm3
    • CRP : 30 mg/l.
    La radiographie du bassin (figure 1) est normale.


    Évolution

    L’intensité des douleurs justifie l’hospitalisation du patient. Un traitement par morphine est institué. Les douleurs diminuent progressivement d’intensité, permettant un examen clinique plus approfondi.
    À l’interrogatoire, le patient signale avoir, depuis 6 mois, des hématomes spontanés sur les jambes. La mobilité de hanche est quasi normale. Il n’y a pas de syndrome rachidien. On note quelques hématomes de la face antérieure des 2 tibias. La palpation abdominale révèle une discrète splénomégalie, la rate débordant de 2 travers de doigt sous le rebord costal. Le patient ne présente pas d’hépatomégalie. Le reste de l’examen clinique est strictement normal.
    Les résultats des examens biologiques réalisés 24 heures après son arrivée aux urgences sont les suivants :
    • hémoglobine : 12 g/dl, VGM : 95 µ3
    • leucocytes : 4 500/mm3
    • plaquettes : 95 000/mm3
    • ionogramme sanguin normal,
    • transaminases, γGT et phosphatases alcalines normales,
    • CPK, LDH normales,
    • calcémie et phosphorémie normales,
    • vitamine D : 29 ng/ml,
    • CRP diminuée à 20 mg/l,
    • γglobulines à 16 g/l,
    • fer sérique et capacité de saturation de la sidérophiline normaux,
    • ferritinémie élevée à 540 ng/ml.


    Vous demandez une IRM du bassin complémentaire (figure 2).

     

    La maladie de Gaucher est la plus fréquente des maladies lysosomales.
    Les lysosomes sont des organites intracellulaires apparaissant sous forme de saccules contenant des enzymes qui ont pour fonction la dégradation de molécules arrivées à fin de vie.
    Les maladies lysosomales  se caractérisent par le déficit de l’activité d’une de ces enzymes. Il existe environ 50 maladies lysosomales, chacune correspondant à une mutation du gène codant pour l’enzyme déficitaire aboutissant à l’accumulation au sein du lysosome de la molécule non dégradée. Il s’agit le plus souvent d'une maladie génétique autosomique récessive.


    Dans la maladie de Gaucher, la β-glucocérébrosidase est déficitaire. La fonction de cette enzyme est la dégradation des sphingolipides des membranes des éléments figurés du sang. Le glucosylcérébroside non dégradé s'accumule dans les lysosomes des macrophages. Il existe 3 types de maladies de Gaucher.
    Dans la maladie de Gaucher de type 1 (95 % des cas), les dépôts se constituent essentiellement dans le foie, la rate et les os, plus rarement dans les poumons. Ils provoquent exceptionnellement une atteinte d’autres organes (reins, myocarde, etc.). Dans la maladie de Gaucher de type 2 et 3 existent des atteintes neurologiques (troubles de l’oculomotricité, comitialité, etc.)


    1) Les signes de la maladie de Gaucher sont :
    • hépatomégale : 60 % des cas, évoluant rarement vers la cirrhose ;
    • splénomégalie : 95 % des cas,  responsable d’hypersplénisme : anémie (rarement inférieure à 8 g/dl), thrombopénie (rarement inférieure à 30 000/mm3), plus rarement leucopénie ;
    • atteinte osseuse : 80 %, ostéonécroses aseptiques, infarctus osseux, lyse osseuse, déformation des extrémités inférieures des fémurs en flacon d’Erlenmeyer, ostéoporose, tassements vertébraux, fractures pathologiques.


    2) Environ 500 patients ont une maladie de Gaucher en France en 2014, le sex-ratio est de 1, l’âge au diagnostic se situe entre 15 et 20 ans. Les premiers symptômes sont : un saignement généralement minime (épistaxis récidivantes, gingivorragies), une crise douloureuse osseuse en rapport avec un infarctus osseux ou une ostéonécrose aseptique, une splénomégalie.


    3) Le diagnostic, lorsque l'on pense à la maladie, peut être établi grâce au dosage enzymatique dans le sang de la β-glucocérébrosidase, qui est inférieure à 20 %. Très souvent encore, le diagnostic est fait sur le myélogramme, qui révèle les cellules de Gaucher (figure 3), car le praticien, même s'il n’évoque pas le diagnostic, désire éliminer une hémopathie.


    Notre patient a une crise douloureuse révélant un infarctus osseux du bassin et de l’extrémité supérieure du fémur gauche. La radiographie est normale, soulignant l’intérêt de l’IRM pour déceler les manifestations osseuses : infiltration osseuse, infarctus osseux, (hypersignal T2), ostéonécrose aseptique, etc. Les infarctus osseux peuvent entraîner un syndrome inflammatoire généralement modéré avec transitoirement élévation de la CRP, des globules blancs et des plaquettes. Dans un contexte d’urgence, l’absence de palpation abdominale n’a pas permis de déceler la splénomégalie modérée. Le syndrome inflammatoire a augmenté le taux de plaquettes à plus de 100 000/mm3. Les splénomégalies et  thrombopénies modérées passent souvent inaperçues, retardant le diagnostic de cette maladie rare.
    Sur le plan biologique, les anomalies de la formule sanguine sont parfois modérées,  il n’y a pas de syndrome inflammatoire (CRP : normale)  en dehors des crises douloureuses osseuses ou de rares cas d’infarctus spléniques ou hépatiques. La ferritinémie est souvent élevée, du fait de l’activation du macrophage. Les γglobulines sont modérément élevées, entre 15 et 20 g/l, parfois compliquées de MGUS ou, rarement, de myélome. La chitotriosidase, enzyme lysosomale, et le CCL 18 sont augmentés et constituent des biomarqueurs pour suivre l’évolution de la maladie. Le traitement enzymatique substitutif administré par voie intraveineuse est le traitement de référence. Il permet la normalisation des paramètres hématologiques, la régression de l’hépatosplénomégalie et la disparition ou la diminution de l’atteinte osseuse en moins de 3 ans.


    LE QUIZ

    Vous devez être connecté pour participer au quiz

    Valider

    Les derniers cas

    VOIR TOUS LES CAS