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Cas clinique « Fatigabilité cognitive et réserve cognitive »

Posté le 29/03/2019 Par Le Dr Benedetta BODINI

LE CAS

Vous suivez une patiente âgée de 39 ans atteinte d'une SEP évoluant par poussée depuis 10 ans. Elle travaille en tant que directeur artistique dans une agence de publicité. Son histoire clinique a été marquée par 2 poussées au total ayant chacune bien régressé. Jusqu’à l’année dernière vous avez toujours évalué son score EDSS entre 0 et 1. Elle suit un traitement de première ligne (interféron-bêta) depuis la seconde poussée, avec une très bonne tolérance. Son IRM cérébrale montre une charge lésionnelle T2 stable depuis 5 ans, quelques trous noirs et une atrophie (figure 1-2). Depuis 1 an environ, elle ressent de plus en plus de difficultés dans le cadre de son activité professionnelle, en particulier dans un contexte d’échéance urgente avec enjeux importants. Lorsque vous l’interrogez, elle décrit des troubles de la concentration et une plus grande lenteur à résoudre certaines taches complexes. Ces difficultés génèrent un mal-être qui retentit sur son humeur au quotidien : elle devient de plus en plus irritable et son sommeil se détériore. En conséquence, sa hiérarchie vient de décider de réduire ses responsabilités. Cette décision a aggravé l’état thymique de la patiente. Un bilan cognitif révèle une réduction de la vitesse de traitement de l’information avec une globale préservation des autres fonctions cognitives.

Figure 1. IRM en séquence FLAIR, montrant des lésions en hypersignal caractéristiques de la SEP avec une charge lésionnelle modérée.
Figure 2. IRM en séquence MPRAGE, montrant un élargissement des ventricules cérébraux, signe d'atrophie cérébrale.

 

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Les troubles cognitifs affectent 40 à 70 % des patients atteints de SEP, et sont responsables de conséquences délétères sur le plan de la qualité de la vie quotidienne et du travail (1). Les domaines cognitifs les plus fréquemment perturbés au cours de la maladie sont la vitesse de traitement des informations, la mémoire de travail, la mémoire épisodique, et, à un moindre degré les fonctions exécutives (2, 3).  Les lésions de la substance blanche visibles à l’IRM conventionnelle, l’atteinte microstructurelle de la substance blanche d’apparence normale associée à un possible syndrome de déconnection, ainsi que les lésions corticales, ont été corrélées avec le dégré de dysfonction cognitive chez les patients atteints d’une SEP (4). Ces éléments lésionnels ne suffisent cependant pas à expliquer l’ensemble des déficits cognitifs, et il est désormais accepté que le niveau de réserve cognitive, définie comme l’ensemble des facteurs hérités et environnementaux liés à l’expérience de vie (enrichissement intellectuel, niveau d’éducation, vocabulaire, activités ludiques, etc.) peut retarder l’apparition du dysfonctionnement cognitif et minimiser l’impact de l’atteinte structurelle sur les fonctions cognitives (5). La réserve cognitive optimise l’activation et/ou la désactivation de réseaux neuronaux cognitifs adaptés et efficaces pour la réalisation de taches de plus en plus complexes (5). Le rôle protecteur de la réserve cognitive peut néanmoins s’épuiser au fil du temps, en particulier avec l’accumulation de l’atteinte microstructurelle et de la matière grise, conduisant à une réduction des capacités d’adaptation des réseaux cérébraux. Une conséquence clinique peut être la perception subjective chez les patients d’une fatigabilité cognitive accrue face à des taches de moins en moins complexes.

Il est désormais considéré nécessaire de dépister et de surveiller l’évolution des troubles cognitifs dans le contexte clinique d’une SEP, par exemple en proposant un Symbol Digit Modalities Test une fois par an, qui est un excellent test de dépistage (6). Une des questions encore non résolue concerne l’interaction entre une dépression, une simple fatigabilité cognitive et l’installation de troubles cognitifs irréversibles dans la SEP. L’observation de plaintes fonctionnelles partagées et de déficits proches dans ces 3 conditions ont soulevé la possibilité que dépression et fatigue pourraient partager un mécanisme neurobiologique commun (7).

Le dépistage au cas par cas de la contribution relative de chaque composante aux difficultés cognitives est une étape importante pour optimiser la prise en charge et  améliorer la qualité de vie des patients atteints de SEP.


Références bibliographiques
1. Chiaravalloti ND, DeLuca J. Cognitive impairment in multiple sclerosis.Lancet Neurol 2008;7(12):1139-51.
2. Benedict RH, Fischer JS, Archibald CJ et al. Minimal neuropsychological assessment of MS patients: a consensus approach.Clin Neuropsychol 2002;16(3):381-97.
3. Benedict RH, Cookfair D, Gavett R et al. Validity of the minimal assessment of cognitive function in multiple sclerosis (MACFIMS).J Int Neuropsychol Soc 2006;12(4):549-58.
4. Rocca MA, Amato MP, De Stefano N, Enzinger C, Geurts JJ, Penner I-K, et al. Clinical and imaging assessment of cognitive dysfunction in multiple sclerosis. Lancet Neurol. mars 2015;14(3):302‑17.
5. Sumowski JF, Rocca MA, Leavitt VM et al. Reading, writing, and reserve: Literacy activities are linked to hippocampal volume and memory in multiple sclerosis.Mult Scler 2016;22(12):1621-25.
6. Benedict RH, DeLuca J, Phillips G, LaRocca N, Hudson LD, Rudick R, et al. Validity of the Symbol Digit Modalities Test as a cognition performance outcome measure for multiple sclerosis. Mult Scler. avr 2017;23(5):721‑33.
7. Rocca MA, Valsasina P, Hulst HE et al. Functional correlates of cognitive dysfunction in multiple sclerosis: A multicenter fMRI Study.Hum Brain Mapp 2014;35(12):5799-814.

 

 

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