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Le cas du mois

Quand l’échographie ne peut pas se passer de la radiographie

Posté le 16/04/2020 Par Le Dr Karine LOUATI

Vous suivez en consultation Madame C., 57 ans, pour un rhumatisme inflammatoire apparu en 2015, FR et anti-CCP négatifs, non érosif, touchant les doigts (synovites des IPP, des IPD, quelquefois de certaines MCP, avec des doigts boudinés). La patiente a également une infection par le VIH depuis 1987, non compliquée et bien traitée, et une HTA. Elle ne rapporte pas d’histoire personnelle ou familiale de psoriasis. Elle a été traitée par corticoïdes et traitements conventionnels pour une polyarthrite rhumatoïde. Au cours du suivi sont survenues des ostéonécroses aseptiques de l’humérus et du talus qui ont nécessité respectivement une prothèse d’épaule et une arthrodèse de cheville. Les traitements de la polyarthrite ont été arrêtés à l’occasion des interventions chirurgicales. La patiente a également développé une coxarthrose et un syndrome métabolique avec stéatose hépatique.

Lors de la dernière évaluation clinique, elle présentait toujours des doigts boudinés (figure 1), 2 synovites (MCP 2 droite et IPP 5 droite), une limitation de l’extension et de la flexion complète des doigts et des nodules d’Heberden. L’IPP 5 droite était la seule articulation douloureuse.

Vous faites de nouvelles radiographies (figure 2) des mains et une échographie (figures 3 et 4).


L’auteur n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts

L’arthrose digitale repose sur un diagnostic clinique (critères ACR) [1]. Elle peut être confirmée radiologiquement [2]. L’arthrose digitale érosive est caractérisée par une destruction articulaire des articulations interphalangiennes ou un effondrement de la plaque osseuse sous-chondrale. Elle a la particularité de pouvoir se présenter sous une forme “inflammatoire” avec des synovites des IPP et des IPD touchant même quelquefois les MCP [3]. Dans cette forme, les nodosités et les déformations latérales sont plus fréquentes, et la gêne fonctionnelle est plus importante. Les radiographies “font” le diagnostic d’arthrose digitale érosive : elles montrent des érosions sous-chondrales centrales, une condensation de l’os spongieux sous-chondral et des ostéophytes marginaux dont l’association peut aboutir à une déformation “en aile de mouette”. L’évolution peut se faire vers l’ankylose. Lorsque cette arthrose est atypique, par exemple lorsqu’elle touche les MCP de manière prédominante, lorsque les ostéophytes sont absents ou très exubérants, lorsque l’ostéocondensation est très marquée, lorsque l’articulation scaphotrapézienne est atteinte sans l’articulation trapézométacarpienne, lorsque les géodes sont très volumineuses et, bien entendu, lorsqu’il y a des calcifications para-articulaires, on doit évoquer le diagnostic d’arthropathie métabolique. Les causes de cette arthropathie sont l’arthropathie à cristaux de pyrophosphate de calcium, l’hyperparathyroïdie primitive, l’hémochromatose, la maladie à cristaux d’hydroxyapatite, la goutte, l’ochronose, la maladie de Wilson, l’hypercholestérolémie familiale, l’oxalose, mais, quelquefois, l’arthropathie métabolique reste idiopathique [4]. Par ailleurs, un lien entre l’arthropathie métabolique et l’infection par le VIH ou la prise des traitements antirétroviraux au long cours peut être envisagé chez cette patiente, mais il reste à démontrer.

 

Références bibliographiques

1. Altman R et al. Arthritis Rheum 1990;33:1601-10.

2. Zhang W et al. Ann Rheum Dis 2009;68:8-17.

3. Punzi L et al. Rev Rhum 2012;79:116-20.

4. Laredo JD et al. Imagerie ostéo-articulaire [chapitre 15]. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1998;355-78.

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